photographe: François-Xavier Cardon.

 

Intrigante. Raffinée. Aussi moderne que traditionnelle. La Cécité des Amoureux renoue avec nos premières amours. Celles d’une chanson à la fois française et contemporaine nous racontant, simplement, l’histoire de sa génération. Depuis ses débuts en mai 2014, La Cécité des Amoureux séduit autant qu’elle ne surprend. C’est grâce à la diversité de leur genre que Jeff Bertemes, auteur et interprète de cette formation, accompagné de Julien Hockers, Noëlle Elisabeth Grégoire, Kevin Mahé et Jean Debry nous proposent une musique unique et d’une grande singularité.

 

Je vous propose aujourd’hui d’en savoir un peu plus sur ce groupe liégeois que vous connaissez peut-être déjà!

Présentez-vous en quelques lignes  

Je m’appelle Jeff Bertemes et je suis l’auteur et l’interprète de la formation liégeoise La Cécité des Amoureux. Notre premier 4 titres est sorti le 14 février 2018 et s’intitule « Tout ça n’existe pas ». 

*depuis quand faites-vous de la musique ? 

Personnellement, j’ai grandi dans la musique. La Cécité des Amoureux a cependant débuté en 2014.  

*Est-ce une passion, un passe-temps, ou plus professionnel ? 

Je ne peux envisager une expression artistique exempte de professionnalisme. La passion régit, elle aussi, ce type de démarche. Je préfère cependant éviter les qualificatifs et proposer simplement un travail le plus abouti possible. 

*Combien de temps passez-vous à répéter, composer ? 

Il est impossible de quantifier le temps consacré à tel ou tel poste. La musique couvre bien plus que ces deux champs d’activité. Je peux cependant affirmer que je consacre quotidiennement plusieurs heures à l’écriture. La création des visuels, des clips ou encore de la mise en scène exigent également une attention toute particulière.  

*Jouez-vous d’un instrument ?  

À vrai dire, je suis saxophoniste. C’est cependant dans l’écriture et l’interprétation de textes que je me sens le plus à ma place. Le guitariste du groupe, Julien Hockers, et la pianiste Noëlle Elisabeth Grégoire se chargent des compositions. La musique ne peut, pour ma part, que difficilement s’envisager en solitaire. Côtoyer le talent des autres est certainement l’une des plus belles chances qu’offre ce métier.  

*Comment a démarré votre groupe ? 

Nous avons travaillé en silence sur ce projet durant deux années. Le journal Le Soir a été le premier à manifester un intérêt envers notre production et nous a rapidement offert d’ouvrir « Les Nuits du Soir » au Botanique. Le Québec a emboité le pas. Aujourd’hui, nous continuons à être soutenu par une presse de qualité tant au pays qu’à l’étranger. Nous souhaiterions désormais que les radios belges donnent une chance à la chanson française et aux artistes de la relève. Cela nous permettrait de percer un certain plafond de verre et de partir véritablement à la rencontre du grand public.  

*Quand avez-vous décidé de tenter de devenir plus professionnel, et pourquoi ? 

Cela ne s’est jamais décidé. Les personnes qui nous suivent le savent. Nous produisons peu mais tentons de le faire avec le plus de soin possible. Nous ne laissons que peu de choses au hasard et sommes très méticuleux. Cela se manifeste autant dans le travail entourant nos vêtements de scène que dans les clips que nous proposons en passant par les arrangements de nos titres. Le diable est dans les détails.  

* L’appellation “artiste” vous convient-elle ? 

Bien entendu. Je la trouve noble et nécessaire. 

photographe: François-Xavier Cardon.

*Vivez-vous de votre musique ? Bien ou mal ? Avez-vous un autre métier ? 

Cette question m’est étrangement posée très régulièrement. Comme si le financier pouvait à lui seul légitimer la qualité d’une production. C’est le paradoxe d’Edgar Allan Poe, écrivain non reconnu de son vivant et rendu célèbre par l’intérêt que lui portera Baudelaire.  

Je réponds toujours à cette interrogation en disant que je consacre mon existence à la création et que cela me rend certainement bien plus vivant. J’éprouve pourtant le besoin de diversifier mon quotidien et ne souhaite jamais dépendre de la seule création. Celle-ci est une capacité qu’il faut savoir apprivoiser et respecter. 

Quant à savoir si je vis bien ou mal, disons que j’évite toute forme de manichéisme. 

*Espérez-vous un jour vivre de votre passion pour la musique ? 

La passion me rend d’ores et déjà bien plus vivant. 

* Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans votre pratique de la musique ? 

Les rencontres, sans aucune hésitation.  

Je pense notamment à Pascal Charpentier et Christophe van Huffel, respectivement directeur artistique et réalisateur de notre premier 4 titres.  

Nous avons rencontré Pascal et Christophe alors que se finalisait l’album « Les Vestiges du Chaos » du chanteur Christophe. Pascal y avait composé le superbe titre « E Justo » tandis que Christophe van Huffel en était le co-compositeur et réalisateur. 

Il est toujours impressionnant d’être adoubé par de tels talents.  

*Et le plus difficile, ou décevant ? 

Je vous parlais précédemment d’un certain plafond de verre. Nous bénéficions d’un soutien précieux de la presse envers notre travail et le public nous suit depuis nos débuts. Nous ne sommes pourtant que rarement diffusés par les radios belges à heure de grande écoute. 

La Francophonie offre fort heureusement un vaste terrain de jeu. Les retours du Québec et de l’international quant à notre travail nous poussent toutefois à persévérer.  

Nul n’est prophète en son pays.  

*Où êtes-vous sur le chemin qui va de la composition à la production de disque ou la scène ? 

Le chemin qui mène à la création m’a toujours semblé sinueux. C’est ce qui rend le défi d’autant plus intéressant. Je ne cherche donc jamais à me positionner mais plutôt à profiter de l’instant tout en continuant à penser à la suite des événements.  

*Composez-vous vos propres musiques ? 

Bien entendu. La chanson française permet néanmoins de piocher dans un très vaste répertoire et nous aimons beaucoup interpréter d’autres artistes durant nos spectacles.  

J’entends souvent certaines personnes répéter, un peu par habitude, qu’elles n’apprécient pas les reprises. Mon avis sur la question est tout autre. Il est essentiel que la nouvelle génération d’artistes continue à faire vivre un répertoire que les modes ont tendance à pousser vers la porte de sortie.  

Diane Dufresne ou encore Marie Laforet, pour ne citer qu’elles, sont des artistes immenses que le public belge ne connait finalement que très peu.  

La culture est un bien précieux qu’il faut pouvoir transmettre.  

*Quel est votre rêve d’artiste ? 

Continuer à écrire, autant pour ma propre production que pour d’autres interprètes. La longévité est un rêve si pas assuré au moins assumé.  

*Qu’est-ce qui le rend difficile à réaliser ? 

La ténacité s’avère souvent plus forte que les vents contraires.  

*Quelle reconnaissance attendez-vous ? 

Etre amené à rencontrer le grand public serait un privilège. En Belgique et ailleurs. Je ne me suis jamais caché de mes ambitions et je me considérerais toujours comme un chanteur populaire. Avec tout le respect que j’accorde à cette dénomination.  

*Ou vous voyez vous dans 10 ans par rapport à la musique ? 

Le temps est une donnée qui m’est extrêmement abstraite. Je suis donc dans l’incapacité totale de me projeter. Je peux uniquement vous répondre que je vais continuer à travailler avec la même assiduité tout en conservant la foi qui me caractérise très certainement. 

*Vous sentez-vous isolé, ou pensez-vous qu’il existe suffisamment de structures pour vous permettre de réussir ? 

Vaste question. Beaucoup de structures existent et certaines ont fait confiance à notre production. Nous les en remercions par ailleurs.  

La chanson dite à texte est néanmoins parfois jugée de désuète en Belgique. N’y voyez aucun jugement, juste un troublant constat. J’ai tendance à croire que les années à venir se dirigeront naturellement vers cette authenticité culturelle qu’offre la chanson d’expression française. Notre époque se tourne de plus en plus vers un retour à l’essentiel. Je ne peux y voir qu’un très bon présage. Un retour au sens.  

*Quels ont été vos inspirations musicales avant et aujourd’hui ont elles changé ? 

Celles-ci varient forcément même si je conserve un socle d’artistes que je suis depuis toujours : Marie Laforet, Diane Dufresne, Barbara, Léo Ferré, Daniel Bélanger, Vincent Delerm, Hubert-Félix Thiéfaine ou encore Pierre Lapointe.  

Actuellement, j’écoute énormément la discographie d’Agnes Obel, le dernier Etienne Daho, le superbe album solo de JB Dunckel  (du groupe Air) ou encore les belges de Pale Grey. Je viens également de découvrir le très bel album d’un créateur québécois nommé Bernhari.  

Je ne me fixe aucune limite et accorde énormément de temps à l’écoute du travail d’autres créateurs.  

*Quel est votre artiste, chanson favorite. 

Göttingen de Barbara me bouleverse à chaque écoute. Celle-ci me renvoie à certaines origines germaniques. S’il ne devait en rester qu’une, ce serait celle-là.  

*Qu’aimeriez-vous faire passer aux gens avec votre musique ? 

Que le sens n’empêche en rien la musicalité. Soulever de véritables sujets a toujours été l’un des rôles de la création.  

Au sein de La Cécité des Amoureux, nous avons abordé le droit à l’euthanasie, le célibat des trentenaires, le harcèlement ou encore le désintérêt croissant de la langue. L’art est un excellent vecteur de questionnement.  

*Où avez-vous déjà joué ? Et ou pourrons nous vous entendre durant les mois qui viennent ? 

Nous avons joué au Botanique de Bruxelles, aux Francofolies de Spa, au Reflektor de Liège mais aussi aux Pays-Bas et débuté une promotion à Paris. Pour ne citer que quelques souvenirs.  

Ce que l’avenir nous réserve, je ne le sais pas encore. Une date particulière sera toutefois prochainement annoncée en région liégeoise.  

*Y’a t’il quelque chose que vous aimeriez changer dans le milieu de la musique en général, dans votre carrière ? 

La musique m’a déjà porté plus loin que je l’imaginais. Nous avons travaillé avec des personnes incroyables tout en rencontrant un public aussi intéressé qu’intéressant.  

J’ai toujours eu tendance à ne pas forcer les choses et à me détourner naturellement des attitudes qui ne me conviennent pas. Nous sommes, par ailleurs, entourés d’une équipe formidable sur laquelle nous pouvons compter.  
Cela permet de respecter le travail d’autrui et de continuer à avancer sans porter de jugement.  

*Définissez la musique en 3 mots. 

Cette question ne va pas sans rappeler l’interrogation de Léa Salamé durant « Stupéfiant », cette émission que j’adore littéralement : « Quelle est votre définition de l’art ? » 

Pour ma part, j’envisage la musique comme étant exigeante, libératrice mais surtout fédératrice 

Facebook: La Cécité des Amoureux

photographe: François-Xavier Cardon.

 

Interview: Emmanuelle Defechereux

 

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