Le début du mois de novembre évoque chez nous le culte des défunts. Le 1er novembre – la Toussaint – est une vraie fête chrétienne qui célèbre tous les saints. La veille, le 31 octobre, c’est Halloween, « All hallows-even » en ancien anglais, qui se traduit par « nuit de tous les saints ». Cette fête païenne d’origine Celte est devenue une manière folklorique d’exorciser le souvenir des morts. C’est le Jour des morts, le 2 novembre, que l’on honore les défunts. On visite les cimetières et on fleurit les tombes, traditionnellement avec des chrysanthèmes.

Pour favoriser le passage des personnes décédées dans l’au-delà, les hommes ont utilisé, partout dans le monde et à toutes les époques, des coutumes et des rites très différents. A l’arrivée du christianisme, c’est autour des églises que l’on enterre ses morts. Place du Marché, dans un restaurant bien connu – As Ouhès-, les vestiges d’un ancien restaurant du nom de « As Ohes » (Aux os) rappellent la présence d’un cimetière, autrefois, près de l’ancienne église Saint André.

Mais en 1784, pour des raisons sanitaires, l’empereur Joseph II promulgue un édit qui interdit l’inhumation près des églises, et impose la création de cimetières à l’extérieur des zones habitées. En 1805, sous Napoléon, un premier grand cimetière est fondé dans les jardins de l’ancienne abbaye de Robermont. C’est aujourd’hui la plus grande nécropole de Wallonie, un parc boisé de 44 ha devenu un livre d’histoire. De l’autre côté de la vallée, un second cimetière, deux fois plus petit, est créé en 1874 : c’est le cimetière de Sainte-Walburge.

La personnalité du défunt et la douleur de ses proches transparaissent souvent grâce au « symbolisme funéraire » du monument. Par exemple, une couronne (un cercle sans début ni fin) figure l’éternité. Si elle est décoréede fleurs, elle rappelle toutes les grandes étapes heureuses de la vie et devient un hommage de pérennité. Avec d’autres signes, emblème militaire, coq wallon, outils, par exemple, les tombes nous parlent de la personne décédée, de sa croyance philosophique, de son métier…

Dans le cimetière de Sainte Walburge, nous découvrirons, par exemple, de nombreuses sépultures remarquables rappelant la mémoire de figures du mouvement wallon. Théophile Bovy, auteur des paroles du Chant des Wallons y est inhumé aux côtés de sa fille Berthe, sociétaire de la Comédie Française. Un bas-relief représentant un coq flamboyant orne la sépulture de Georges Truffaut, figure emblématique du Mouvement wallon durant l’Entre-deux-Guerres et mort pour la liberté du pays en 1942. Certaines pierres tombales sont de véritables tableaux, comme celle de Christian Weerens, décédé des suites de la guerre : l’épée, symbole de la bravoure militaire, la palme, signe de victoire, le lion assis gueule ouverte, à l’image du pays réagissant à la menace, le soldat emporté par un ange, et des obus comme pot à fleurs, tout explique au passant le chagrin de la famille et le courage du défenseur mort pour avoir combattu.

A Robermont aussi, évidemment, nous retrouvons gravé dans la pierre bleue le souvenir de célébrités qui ont contribué à la renommée de notre ville. Mais nous y verrons probablement plus de monuments remarquables par l’art et l’architecture. Le choix est vaste : la tour néogothique du caveau de Walthère Frère-Orban, créateur de la Banque nationale de Belgique, le tombeau de Gustave Serrurier-Bovy, l’un des initiateurs du mouvement Art Nouveau, un monument funéraire orné d’un bas-relief de son ami le sculpteur Oscar Berchmans…Fondateur de notre Jardin Botanique, et inventeur de la fécondation artificielle de la vanille, Charles Morren, est inhumé avec son fils Edouard dans une sépulture qui les décrit parfaitement : un rameau pour évoquer la botanique, et, pour rappeler leur appartenance au monde universitaire, une toge dont les boutons et le velours sont si bien ciselés qu’on a envie de les toucher. Il est vrai que cette tombe, comme d’autres, vient d’être restaurée par l’ASBL « les Cimetières Liégeois ». Merci à eux pour leur action dans nos cimetières !

Une promenade dans ces champs de repos éveille bien des émotions. Les tombes de soldats morts au champ d’honneur, dans un gazon bien entretenu. Celles de nouveau-nés. Celles des chrétiens orthodoxes, serbes par exemple, dont les rites funéraires invitentà venir partager un déjeuner rituel sur la pierre tombale.
D’autres cimetières plus petits méritent aussi une visite. Celui de la Diguette à Angleur, presque contemporain de nos deux grands cimetières, d’autres plus modernes…l’histoire de Liège sommeille dans ces parcs, à nous de la redécouvrir !

Josette Lamotte

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