Si vous passez en Hors-Château, passez donc, au n°114, par le petit porche décoré de colonnes qui vous conduira vers le calme villageois de la Cour Saint-Antoine…
Ici, entre deux rues animées, Féronstrée – la commerçante, et Hors-Château – l’ancienne bourgeoise, le temps suspend son vol. Vous voici sur une place de village, avec un arbre et une fontaine. Une place où des mamans bavardent pendant que les enfants jouent au soleil. Une place que nous devons au génie de Charles Vandenhove et à l’inspiration des époux Poirier.
A la fin des années 1970, cet ensemble de bâtiments, situé entre Hors-Château et la rue des Brasseurs, comprenait encore une brasserie abandonnée et des maisons des 17e et 18e siècles qui devenaient des taudis. Le terrain était déserté et l’arrière-cour qui avait servi de dépôt à la brasserie était envahie par les détritus. Il y a près de cinquante ans, ce n’était pas seulement des réfrigérateurs ou des matelas qu’on abandonnait après usage, mais on délaissait des usines, des maisons, et parfois des quartiers entiers. C’est ce comportement de « consommation urbaine », si on peut dire, que la Société de Développement Régional pour la Wallonie a voulu combattre en 1979, en réhabilitant l’ensemble et en confiant cette tâche à Charles Vandenhove, l’architecte du CHU de Liège.
Puisque les maisons côté Hors-Château sont encore en bon état. Vandenhove va les restaurer en enlevant les ajouts récents et en rendant à l’ensemble une certaine homogénéité. De ce côté de la place, comme du côté Hors-Château, chaque maison a aussi une façade, et chacune d’elle va être traîtée comme un cas particulier. L’architecte va y ajouter de petites touches personnelles, des colonnes, de petits carreaux qui rappellent son admiration pour l’architecte écossais Charles Mackintosh, et que nous retrouvons dans la verrière du CHU.
Par contre, côté rue des Brasseurs, les bâtiments de l’ancienne brasserie Mottard sont en ruines et ne sont malheureusement pas récupérables. Vandenhove va donc recréer des façades selon son propre style. Les matériaux sont modernes mais peu coûteux. Les pilastres et certains éléments des façades ont un aspect velouté, parce qu’ils sont en béton coulé dans du contreplaqué marin vibré. Le moule des meneaux et des traverses en bronze est réutilisé, puisqu’il a déjà servi pour la construction des bureaux de l’architecte rue Saint-Pierre.
Au centre de la petite place coule une fontaine en forme d’obélisque, reliée par une rigole à un monument évoquant les pyramides des Mayas. Cette sculpture-fontaine – la stèle de Tikal – est une composition du couple d’artistes français Anne et Patrick Poirier. À la fois sculpteurs, architectes et archéologues, ces artistes explorent des sites historiques et leurs œuvres s’en inspirent.
Et nous ne pouvons qu’admirer cet ensemble, alliant l’uniformité à la diversité, en quelque sorte.
Plus de trente ans après la restauration, la cour Saint-Antoine fait toujours partie des recoins de la ville que les Liégeois aiment traverser en appréciant le calme qui y règne…
Josette Lamotte