Des corps nus que l’on enjambe, un croque-mort qui vous accueille à la lueur d’une bougie et vous guide vers la cave, des femmes en furie qui trempent leur tête dans des sauts d’eau et aspergent le public, une représentation drive in en plein confinement.
Bienvenue dans une mise en scène signée Luc Jaminet.
Préparez-vous à sortir de votre zone de confort, vous allez embarquer pour un voyage émotionnel fait de montagnes russes et de trains fantômes, à vos risques et périls…
Si Luc Jaminet ne s’était pas dirigé vers le théâtre, c’est ce qu’il aurait souhaité faire : constructeur d’attraction foraines.
Un rêve d’enfant… Déjà à cette époque, il créait des scénettes, bruyantes et explosives !
Affable et avenant, le visage rieur, Luc me reçoit, en toute simplicité, à la Courte Echelle, où il travaille comme metteur en scène résident.
Particulièrement prolixe et hyper-créatif, il est riche en projets pour lesquels il porte différentes casquettes : metteur en scène, chargé de cours, animateur.
De la création collective où chacun participe à l’élaboration de l’histoire et sa scénographie à la super production d’un opéra où il dirige et chapeaute tout, en passant les cours de la Province, ceux à l’université ou, dans les écoles et les CPAS, il jongle avec aise, traitant avec la même importance chaque projet.
Mais Luc Jaminet, c’est avant tout un parcours iconoclaste qui débute par la passion du jeu théâtral.
De ses débuts d’acteur à l’évidence de la mise en scène, il y a des rencontres, le maître mot dans tout métier créatif ; une prise de conscience, une évidence.
Un parcours
Luc se plait à dire qu’il est entré en théâtralité par la toute petite porte. Lui qui rêvait depuis l’enfance de devenir acteur, a commencé, à l’adolescence, par des cours à l’académie Grétry et aux ateliers d’art dramatique de la province de Liège.
Sorti des études secondaires, il se résigne à écouter son père et entame un cursus de psychologie avant de se réorienter vers sa passion, le théâtre. Au conservatoire de Mons, puis de Liège où il y suit son professeur.
Les cours lui sont fastidieux, il recherche des outils que les institutions ne lui fournissent pas, décide d’arrêter sans être diplômé, et bourlingue. De stages en formations, il va chercher ce qui lui manquait : la technique.
Il apprend à contrario de ce qui lui avait été enseigné. Là où le texte prévalait, il apprend l’enseignement du corps. Le mime, la commedia dell’arte, les marionnettes, le travail de la voix et même de l’éclairage font partie de son auto-formation éclectique.
De grandes influences
À cette époque, il va beaucoup au théâtre, il cherche à élaborer une grammaire. Pommerat, Mnouchkine, Strasberg, Savary, Deschamps et Delcuvelerie sont quelques-uns des metteurs en scène qui lui permettent d’affiner ses connaissances, affuter sa sensibilité artistique et développer une vision théâtrale plus large et personnelle.
Ce qu’il ne peut observer dans un théâtre, il le lira.
C’est Jacques Lecoq qui l’influencera le plus. Le masque neutre, travail sur le corps dans sa fonctionnalité la plus pure, ainsi qu’une conscience accrue de l’ancrage de celui-ci. La décomposition du mouvement qui donne naissance à la notion de juste et élimine celle de bien ou de mal.
Chez Diderot, il va chercher la construction du personnage c’est-à-dire jouer l’autre sans forcément l’être. Chez Stanislavski, de partir des mémoires émotionnelles et sensorielles.
Reste un problème, les corps doivent être prêts à l’emploi.
Il faut donc retrouver un équilibre entre l’intérieur et l’extérieur.
La méthode se dessine, s’affine… Il va la compulser pendant 30 ans.
Les débuts d’acteurs
Il débute sa carrière en tant qu’acteur amateur, ce qui débouchera sur un contrat comme comédien professionnel à Bruxelles avec une prestigieuse metteuse en scène, Elvire Brison.
Malheureusement, l’aventure Bruxelloise s’achève rapidement : Luc est rappelé à l’ordre par un service militaire auquel il ne peut échapper.
Revenu sur Liège, il est engagé à la Courte Echelle où il commence par animer des ateliers jeune public. Il exerce en même temps comme comédien professionnel au théâtre Arlequin.
La mise en scène, une question de rencontre et d’opportunités
Assez rapidement, l’ennui s’installe.
L’acteur, tributaire du metteur en scène, n’a aucun poids dans les décisions ; sa position lui semble ingrate. Il y a aussi la prise de conscience que le talent n’est pas toujours proportionnel à l’envie de jouer et qu’il est un comédien moyen.
Parallèlement à cela, il commence à développer des réflexes de metteur en scène : la dynamique des scènes, la place de l’éclairage, etc.
Un ami du conservatoire lui propose de mettre en scène une comédie musicale. Les représentations, sold out, sont accueillies par des standing ovations.
Vont s’en suivre dix années de mise en scène au théâtre Arlequin, au théâtre Proscenuim et à la Courte Echelle.
Un théâtre de l’inconfort
Plus viscéral qu’intellectuel, même s’il traite de sujets de société, son théâtre n’a pas une vocation politique. La réflexion n’est pas pour autant exempte du spectacle, au contraire, il aime se confronter à ses peurs, nos peurs à tous : la mort par exemple et, si son théâtre est à ce point dérangeant, c’en est certainement une des raisons principales.
Pour les comédiens, c’est toujours un challenge, ludique, libérateur et émancipateur.
Pour le spectateur, un voyage au tréfond de ses angoisses.
C’est que Luc aime le théâtre rock and roll, il aime explorer différentes thématiques et aller chercher l’émotion dérangeante chez le spectateur.
Indiscutablement, il y a une grande liberté de ton chez lui. C’est souvent ce qui plait, c’est souvent ce qui déplait.
Il aime, par exemple, utiliser l’espace de façon hétéroclite et n’hésite pas à guider le spectateur du hall à la cave en passant par les loges. Si les lieux peuvent créer une ambiance particulière et donner un ton à la pièce, les décors sont toujours les plus minimalistes possible, il faut laisser un espace d’imagination au spectateur.
Théâtre parfois participatif, il met le spectateur à contribution. On pourrait penser au Living Théâtre si la base même de son travail n’était la technique et que ce qui ressemble à une performance est en fait très contrôlé.
C’est la technique qui va permettre de faire évoluer chacun au maximum de ses capacités. Elle est simplement un outil qui va guider celui-ci, une contrainte nécessaire. Car s’il est une phrase qui lui sied parfaitement c’est « l’art naît dans la contrainte et meurt dans la liberté ».
La création du personnage
C’est la création du personnage physiquement et psychologiquement qui est le point de départ de toute ses mises en scène. Observer, mimer, se réapproprier et construire, puis relier le corps aux émotions.
Luc ne renie pas ses influences, on en revient toujours au rapport au corp. Il anime d’ailleurs des ateliers pour adolescent dans lequel celui-ci est mis en exergue. Car c’est aussi ça le rôle du théâtre : aider à retourner dans la vie plus conscient.
Une mise en scène participative
Sa vision du rôle de metteur en scène est de se mettre au service du projet. Pénétré et riche de ses autres occupations d’animateur et de professeur, il écoute et guide chacun.
Si chaque pièce fait l’objet de fiches techniques très détaillées et chaque personnage a sa formule, sa façon de parler, de se déplacer, il reste un espace pour l’émulation. Chacun de ses comédiens peut lancer une piste de réflexion.
Des projets pleins la tête
Rentrée rime souvent avec actualité brulante et Luc ne manque pas de projets…
Vous pourrez le retrouver dans ces différents spectacles et n’hésitez pas pour une actualité sans cesse renouvelée à consulter sa page FB : https://www.facebook.com/luc.jaminet
« Spectacle Balade à l’Ermitage » une création du Centre Culturel de Flémalle, samedi 21 et dimanche 22 septembre.
Infos et réservation : https://ccflemalle.be/evenements/spectacle-balade-a-lermitage/
Reprise de « La Balade de la Poule » du théâtre Proscenium du 28 septembre au 12 octobre.
Infos et réservations :
Concert de « La voix de ses maîtres » au Centre Culturel de Seraing, le 4 octobre à 20h00.
https://www.centrecultureldeseraing.be/evenements/la-voix-de-ses-maitres-en-concert/
« Deep Learning – L’effet Eliza » de la Compagnie Courte Echelle, une création sur l’intelligence artificielle du 6 novembre au 17 novembre.
Infos et réservations (à venir) :
Rédaction : Sabine Carra